DIABÈTE VERSUS COVID

Voilà quelques mois que la mode est au Covid.

Qu’elle va de pair avec tout le foin qu’on fait de la vilaine bête – un petit virus tranquille comme des milliers de ses congénères, qui a juste le tort de nous aimer trop et de nous faire, du coup, chier grave.

Pourtant il n’est pas le seul, loin de là, dans le genre ennemi sournois, à nous rendre quelquefois la vie impossible au point de nous pousser à amorter tout net. J’ai nommer le diabète. Du latin diabetes mais du grec aussi : διαβαίνω ( à vos souhaits ! ) signifiant « passer  au travers »  — je ne sais pas ce que le coup de la langue ancienne nous apporte mais ça fait savant et documenté.

Le diabète est une saloperie. Comme un peu toutes les maladies, d’ailleurs, plus ou moins. Ils nous accompagne dans l’Evolution depuis des tonnes de temps : on trouve ses empreintes en archéologie, en paléontologie, si ça se trouve. On ne sait pas trop d’où ça sort, comment ça dort et ce qui le réveille un beau sale matin en l’hôte que nous sommes et qu’il s’est choisi. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui il est présent partout, plus ou moins actif, et en certains petits endroits du globe quasiment point. Ce qui est sûr aussi c’est que chez nous autres, dans nos contrées civilisées, il est comme qui dirait chez lui. At home. Bien installé. Se nourrissant, comme nous, de cette bouffe infâme qui semble être le quotidien de tous, produit de nos industries alimentaires et économiques.  Nous ne nous alimentons même pas comme des porcs, c’est pire. Et c’est ainsi. Que dés le plus jeune âge on nous apprend à le faire. A ingérer, pour grandir, le poison cristallisé, déguisé, sournois qui nous fait les yeux doux. Et qui sourit pour nous susurrer que nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

Oyez :

Par Dr Jean-Charles VAUTHIER
Médecin généraliste – Médecin du sport
Maître de Conférence Associé en Médecine Générale

Bizarre cette métaphore guerrière. Elle ne me plaît pas. Je n’ai jamais connu la guerre, et il me semble que les conditions de vie y sont bien plus dures que ce que l’on vit ici.

Pourtant la guerre est partout en médecine.  « La guerre est déclarée » affirme le film de Valérie Donzelli. « Je vais me battre contre la maladie » entend-t-on souvent. L’annonce diagnostique est une déclaration de guerre, chaque traitement une bataille… Et les effets secondaires des victimes collatérales ? « Le diabète est une lutte quotidienne… »

La première vague de Covid a pu être vécue comme une guerre.

La seconde arrive… Et la métaphore fonctionne encore.

Première guerre mondiale… Une certaine euphorie accompagne les soldats qui partent au front, fleur au fusil. Puis cette guerre devient une guerre statique, dans les tranchées. Notre premier confinement a bien été immobile. Confinement rigoureux. «Restez chez vous ». On ne cohabite pas avec l’ennemi.

Et la victoire ouvre vers les années folles. On oublie, on revit, on profite. Nous avons tous eu besoin de cet été « fou ».

La grande dépression qui a suivi est venue avec l’automne. Les signes péjoratifs étaient là sous nos yeux, telle la montée du fascisme chez nos voisins dans l’entre-deux-guerres. Mais l’optimisme est de rigueur. Nos scientifiques, telle la Société Des Nations, trouveront bien de quoi maintenir un équilibre. Le « plus jamais ça » reste la règle. On ne reconfinera pas…

On teste, on trace, on isole. Que peut-il nous arriver ? Et puis au milieu des signes péjoratifs se nichent des signes d’espoir, auxquels on s’attache : le virus serait moins virulent, les séquelles sembleraient moins lourdes à moyen terme… Foutaises ! Mais si ça nous permet de garder le sourire.

Et voilà, ce que tout le monde savait inévitable sans jamais vouloir se l’avouer arrive : reconfinement.

La deuxième guerre est là. Mais cette fois ce sera une guerre de mouvement. On bouge, on bosse, on va à l’école. Les armes ont changé. De l’historique paracétamol, on a maintenant quelques médicaments pour les formes graves. Et des tests : PCR, antigéniques, sérologies. L’arsenal s’étoffe. Nos vieux uniformes sont remplacés par des gestes barrières perfectionnés. Partout des plexiglas antiatomiques, et des masques qui jonchent le sol, façon mines anti-personnelles. 

Je ne sais pas trop qui désigner comme le Jean Moulin de cette deuxième vague. La résistance est bien visible, la clandestinité n’est pas le modèle de notre époque ! Il y a plus de Don Quichotte que de Lucie Aubrac.

Et les soldats dans tout cela… Ils souffrent. Les hôpitaux enferment les souffrances des soignés et des soignants. Finis les applaudissements. L’armée de conscrits s’est professionnalisée. Les nouveaux soldats ne sont plus des héros. Ils font leur job. Ingratitude heureusement non généralisée. Les messages de soutien persistent, mais plus rares, plus discrets. Peut-être plus touchants alors.

Personnellement, je suis inquiet. Certes, on se sent plus expérimenté, et moins constamment souillé par le virus. Une patiente m’a pourtant raconté son enfer à briquer du sol au plafond sa maison pour passer les heures d’attente entre deux infos sur son mari en réa… Elle a jeté ce matelas où il a tant sué les premières nuits de la maladie. Je l’écoute avec toute l’empathie possible. J’ai de nouveau cette drôle de peur. Ce sentiment que l’on va tous y perdre au moins un proche. Statistiquement ce sera presque ça ! Et pourtant, les thèses complotistes prospèrent. Les débats portent sur des sujets annexes. On évite le sujet. Les peuples se divisent. Trump-Biden ou les deux Amériques. Résistants ou collabos… choisis ton camp ! Mais qui est le gentil et qui est le méchant ? Est-ce si simple ?

Les anticonformistes deviennent des idoles, des icônes… Bref, prennent une posture religieuse.  Pas mon truc !

Mais les scientifiques, les « grands chercheurs » deviennent aussi des oligarques. Canguilhem parle de iatrocratie, du pouvoir donné au médecin. Pas mon truc non plus.

La guerre impose de choisir.

L’autre point commun entre cette crise et la guerre, ce sont les morts et les mutilés.

Il n’y a pas de hiérarchie dans la souffrance. On peut être victime sanitaire ou victime économique, on est victime du virus. Faut-il sacrifier une part de notre population pour en sauver une autre… Choix pétainiste ! Après tout, les vieux et les malades sont-ils indispensables (essentiels !) à notre société productiviste ? Tout odieuse qu’elle soit, cette question est posée en creux dans les alternatives proposées au confinement. « Isolons les personnes à risque et foutons la paix aux autres ». Qui est à risque ? Qui est contact de personne à risque ? Comment les identifier : une étoile cousue ?… Aie ! On a déjà nos jolis capteurs qui jouent ce rôle les étés, en débardeur… Et puis qu’en est-il du secret médical ? Tant de stigmates trahissent déjà notre intimité médicale : Perte de cheveux, amaigrissement brutal, embonpoint, petit ventre de la jeune femme.  Mettez-moi tout ça au rebut !

Il me semble naïvement qu’il est plus simple de souhaiter la mise à l’écart des fragiles, quand on n’est pas soi-même fragilisé… Les nantis en bonne santé n’imaginent pas la blessure de la stigmatisation.

Pire encore, Darwin et sa sélection naturelle sont convoqués, l’argument massue. J’entre en rébellion !!! Qu’on me colle le dos au peloton d’exécution, mais les yeux ouverts fixant ces néo-évolutionnistes ! La médecine, c’est la lutte contre cette sélection naturelle, cette lutte qui limite la mortalité infantile, les décès en couche, le fait de mourir de pneumonie ou d’appendicite. La sélection naturelle tuait les diabétiques en 6 mois.  Alors oui, on a limité cette sélection, on a du même coup accepté que ces êtres a-normaux aient des enfants et perpétuent des gênes vicieux… Je m’en réjouis. D’ailleurs cela constitue une hypothèse pour l’augmentation constatée de l’incidence du diabète de type 1… Je m’égare.

Quid du service militaire obligatoire, ce temps consacré à la nation ? Faudra-t-il rendre obligatoire le vaccin ? Que ferons nous des objecteurs de conscience ?

Ce n’est pas à moi de le dire. La question est politique. L’enjeu est-il suffisamment important pour renoncer à la liberté individuelle pour le bien public ? J’ai mon avis de citoyen. La guerre a toujours permis à certains de prospérer alors que la majorité s’appauvrissait. Il faudra rééquilibrer cela après coup. Mais ne reprochons pas aux fabricants de vaccins de fabriquer des vaccins. Interdisons-leur de prospérer dessus, interdisons-leur de faire jouer la loi de l’offre et de la demande qui n’a pas de sens dans ces périls globaux. Organisons la distribution pour éviter que les pays les plus défavorisés soient une fois de plus servis en dernier ! Le système a fonctionné en partie pour la lutte contre le SIDA. Et le bon Banting, lorsqu’il a découvert l’insuline a cédé pour le dollar symbolique le brevet pour que cette molécule miracle puisse rapidement sauver un grand nombre de malades à travers le monde. Big Pharma a trahi la promesse de Banting, logique donc qu’aujourd’hui on ne lui fasse plus confiance… Il faut administrer cette vaccination globale… OMS, mi amor !

Mais nous parlerons de l’après-guerre après la guerre. Actuellement, les pages des avis de décès de nos journaux se remplissent. Autant de familles endeuillées. Nos (télé)consultations se remplissent de patients Covid, pas forcément graves, mais le moindre test positif impacte l’entourage, les familles, les collègues.

On y est, nous avons cette deuxième vague, que certains avaient voulu nier… Méthode Coué. La faute à personne, le virus est plus fort que nous ! L’adversaire nous domine pour le moment. En sport, quand on est dominé, on doit jouer collectif, s’appuyer sur la force de l’équipe, pas sur des individualités. Je n’y connais rien en stratégie militaire, mais ça doit être un peu pareil. J’aimerais tant que la solidarité redevienne une vertu.

En ce 11 novembre, la mémoire de ceux qui ont connu les tranchées a été célébrée dans la quasi-indifférence. Les chevelus de 2020 remplacent les poilus de 1914. La comparaison se fracasse contre la réalité. « Ceux de 14 » riraient de nos jérémiades. Nous traversons une épidémie sérieuse, tueuse, dévastatrice de notre mode de vie.

Nous ne sommes pas en guerre. Prenez soin de vous.