La maison de Pipo |
Je connais un gars qu’on appelle Pipo. Ce n’est pas son véritable patronyme. C’est un surnom. |
J’adore les surnoms, en vérité. C’est généralement beaucoup plus vrai que les noms dans lesquels on tombe tout petit sans que personne nous demande notre avis. (Ce qui n’est pas plus mal non plus, parce que notre avis, à cet âge… et même plus tard notre avis à propos des noms qu’on aimerait porter… C’est comme ça que des tas de gens s’appelleraient Loana ou Barbapapa ou Steevy ou Casimir ou je ne sais quoi. Pokémon. Harry Pampers. Sans doute. Bref. Mais nous nous éloignons.)
Pipo est routier. Ainsi que sympa. Je ne sais pas s’il aime bien son boulot, c’est une conversation que nous n’avons jamais eue, mais je sais que si on ne le retenait pas c’est autre chose qu’il ferait. A une autre occupation qu’il consacrerait sa vie. Ce que je sais, c’est que mon pote Pipo aime le bois, et les maisons en bois. Les constructions en rondins, par assemblage, et tout le cirque. Les belles maisons. Il a même fait des stages, Pipo, dans les Alpes – je crois. Ou le Jura. Non, les Alpes. Il est allé apprendre sur place, auprès de ceux qui savent. Ce qui est certain, c’est que construire une maison en rondins assemblés, ce n’est pas de la tarte ni à la portée de n’importe qui.
L’année dernière, Pipo s’est fait la main. Il est arrivé un jour chez mon autre copain d’en dessous de chez moi, qui s’appelle lui Sylvain (et qui doit être un peu son cousin), qui vend du bois et du charbon et aussi des cailloux, vu qu’il exploite une carrière. Avant, cette carrière, c’était ma jungle de quand j’étais petit. C’est là que je piégeais des éléphants. Sylvain est arrivé et il a tout ratiboisé, il a creusé et troué et nivelé, et fait passer tout ça dans des concasseurs et des trieuses qui font un boucan infernal quand ça s’y met, avec le bull et le tracto, une infernale machinerie. Mais bon. Je ne lui en veux pas, je vais vous dire pourquoi: parce qu’il fait son possible aussi pour respecter dans la mesure de la mesure l’environnement, les nuisances, tout le bataclan: il fait vraiment son possible et je lui en sais gré. Mais ceci n’est pas le propos. Le propos c’est que Pipo l’année dernière s’est amené sur le site de l’exploitation de Sylvain, où la place ne manque pas, sa grue sous le bras. Et il s’est comme qui dirait entraîné. Il a construit un chalet, une petite maison de cinq mètres sur six ou sept, en gros. Ça lui a pris une petite année, toujours en gros. Il y travaillait les week-end et pendant ses congés. Il ne s’est pas amusé. Donc il s’est fait la main.
Il a pris son élan.
Et cette fois-ci c’est du sérieux. Pipo construit sa maison. Une vraie et grande maison d’habitation. Dont il a dessiné les plans et fait la maquette. Une maison qu’il va dresser là, assembler, tout. Et la couvrir. De A à Z. Quand elle sera terminée, il la démontera pour aller la reconstruire (la réassembler) sur son terrain qu’il a acheté. Voilà l’aventure. Pour cela, Pipo cesse son travail de routier pendant un an. Je ne sais pas comme ça s’appelle: un congé sabbatique? En tous les cas, pendant une année, il va construire sa maison.
Chouette, non?
Moi je vais suivre ça avec intérêt, je vous le dis.
Pour commencer, il y a les billes de bois. Les troncs. C’est du sapin. De l’épicéa. Pipo est allé repérer les arbres et les a sélectionnés sur pied. On les lui a coupés. Vendus. Livrés. Il a fallu – il faut – les écorcer. Nous en sommes là.
Pipo en a encore pour deux semaines à travailler comme routier. dans deux semaines, hop! la grande aventure commence!
(à suivre)
Mercredi 26 mars 2003
Ailleurs:
Il pleut de la boue et du feu sur Bagdad.
Ici:
Les B52 qui décollent d’Angleterre (et qui y retournent) passent au-dessus de ma tête. Je les entends gronder et faufiler la nuit de leurs sillages. De jour dans le ciel bleu, ils tracent des rubans cotonneux qui s’effacent graduellement et s’effilochent, qui se dissolvent comme des mauvaises pensées, des poisons dans les veines.
Pourtant c’est le printemps. Soleil non stop depuis plusieurs semaines. Les lézards sont sortis (je ne plaisante pas: on ne plaisante pas avec les lézards).
Quand j’entends dire en ce moment cet affligeant maître du monde de foire-fouille, quand je regarde à la télévision sa tête à claques d’illuminé, quand j’entends dire ce qu’on veut bien montrer des grands roquets irresponsables qui l’entourent et le conseillent en le poussant en avant, quand dans un pétrifiant écho j’entends aboyer le fou d’en face et monter sous les bombes la clameur orchestrée de son soi-disant peuple hagard, il me prend comme une grande et terrible désespérance de l’évolution humaine, et je ne puis m’empêcher d’entendre en grondement de fond le ressac ricanant de la pire invention des hommes, la pire des armes bactériologique à destruction massive qu’ils ne se privent pas de brandir à tour de bras et utiliser largement depuis le commencement des temps (ou presque), la plus terrible et la plus lourde et la plus barbare au sens lamentable du terme sous ses affligeants pseudonymes, de Jehova à Allah, tous ces putains nom de dieu qu’on ne brûlera donc jamais, décidément imputrescibles…
Il me vient sans espoir, sans illusions, cette désespérance, une colère qui monte. Avec le terrorisme pour seule échappatoire. En me priant de ne pas envisager pire.
La maison de Pipo – (suite)
Or donc, voilà: ici, Pipo ne s’est pas reposé. Il a poursuivi bravement son travail: les billes sont écorcées et l’emplacement de la maison est défini, tracé au sol. Y a plus qu’à grimper!
Dans une semaine d’après ce que j’ai cru comprendre, il se met au boulot. Pour un an de gros gros boulot. Allez Pipo!
Condoléances et joyeusetés !
Good morning les morts!
Trouvez-moi qui a dit « Bienheureux les pauvres d’esprit » ? pour en faire une devise et un cri de guerre.
Puta de dios.
Y vaya con hombres.