JOUR LE JOUR, LE JOURNAL

Une histoire de cœur

Ceci étant un journal, je raconte donc ma vie, en tous cas des bouts de vie. Ce qui change un peu d’écrire des romans. Quoique ce soit là une autre façon de. En tous les cas, dans les deux, on écrit, on raconte.

J’ai donc vécu il y a peu une grande histoire de cœur. Qui dure en fait depuis longtemps, mais qui est restée silencieuse une grande partie de son parcours. Toutes les histoires de cœur fonctionnent selon ce mode, je ne fais pas là dans l’exception. Les histoires de cœur, pour bien vivre, le font en catimini ( qui est un joli mot ). En douce et sans fracs. Et il arrive que soudainement elles braillent. Elles piquent une crise.  Comme de jalousie. Comme si à force de catiminier ( qui est un joli verbe inventé pour l’occasion et dont je ne suis pas mécontent ) elles éprouvaient tout à coup la nécessité de rappeler qu’elles existent. Question de survie, presque. Sûrement.

Il se trouve que depuis quelques mois, je ne sais plus exactement combien mais pas mal, je ne roulais plus exactement u mieux de mon régime. Fatigue excessive à mon goût, essoufflement pour rien, gêne et pesanteur au niveau du plexus au moindre effort. Tous des trucs qu’on n’aime pas. Il faut dire qu’il y a 20 ans, la veille de l’an 2000, le bonhomme avait fait un infarctus ! VINGT ANS de rab ! Vingt ans ça compte, surtout aux alentours des dix-huit, dix-neuvième, où ça commence à s’alourdir une miette. Trois bouts de branches artérielles bouchées, surtout  la coronaire droite. Stents. Donc, je savais comment ça marchait : l’épuisement qui précède le crash, les symptômes, l’humeur massacrante, la sensation de vivre tout en mode efforts extrêmes. Et là, du coup ( comme le dit à tout bout de champ notre belle jeunesse ), du coup, je le voyais venir. Me souvenant en plus comme si c’était hier comme la remplaçante de mon docteur soignant, en vacances ou en congé, appelée en urgence m’avait pris sous son aile et sauvé la vie.

Je ne voulais pas que ça recommence – et je sentais que ça allait recommencer. A propos de docteur soignant, je n’en avais plus. Le vieux de la vieille qui avait assisté à mon premier trébuchement d’il y a 20 ans était parti à la retraire, abandonnant sa patientèle devant le fait accompli, sans remplaçant à lui fournir. La patientèle, dont j’étais, avait donc dû se fournir à la va comme je te pousse, en extérieur. J’avais trouvé. Une docteure généraliste toute fraiche émoulue, passée sa thèse en susceptibilité, sans doute, car elle ne tarda pas, devenue maman et retrouvant son cabinet, à me signifier par courrier qu’elle refusait désormais de me soigner. Les médecins signataires d’allégeance au serment d’Hippocrate on le droit de faire ça. Et le droit aussi de ne pas dire pourquoi ils agissent ainsi. C’est au verso du serment, écrit en écriture sympathique, le serment d’hypocrite. Je m’en fus donc en quête d’un autre praticien, du même local, qui me laissa entendre qu’il n’était pas sûr de pouvoir me prendre  sous sa protection, vu qu’il ne travaillait que trois jours par semaine et qu’il était je cite hors de question qu’il fasse une minute de plus. Or donc déjà débordé avant même d’avoir passé sa thèse. Une partie de de l’entretien consistait à l’écouter se plaindre de la dureté de ses clients. J’ai senti le gaillard super-motivé. Qui me motiva donc à ne pas demander ses services.

Mais néanmoins un médecin de secours, qui lui n’avait pas rechigné à faire son boulot et bêtement son devoir et m’embarquait avec lui pour mon temps de transit.

Me conseilla de trouver un cardio à consulter sans plus attendre.

Un cardio sans attendre… moins de six mois ? Par bonheur, un ami mien venait de passer dans les mains d’un homme de l’art, et me le conseilla ( un autre médecin ami m‘avait conseillé l’homme ), résultat : rendez-vous pris pour une consultation la semaine suivante.

Cardio très sympa. Examen. Conclusion : intervenir sans attendre. Infarctus – le retour. En marche

Et c’est ainsi que me revoilà à Essey. Là où vingt ans plus tôt on m’avait sauvé la vie. Après test covid et chatouillis nasal. Essey où certains se souviennent de moi et de ce premier passage. Il faut dire que la première fois, n’ayant pas eu le temps de rien préparer, j’étais arrivé dans un état spectaculaire : le fracas m’était tombé dessus alors que je tronçonnais un arbre tombé sur ma ligne électrique ( déjà ! ) :transport direct en ambulance, de l’hôpital de Remiremont à Nancy ( où je l’appris plus tard « on » n’étais pas sûr que j’arriverais entier ! ) et transfert direct de l’ambulance au bloc, couvert encore de copeaux de tronçonnage…

Donc retrouvailles… En avant la musique. Ces toubibs-là sont formidables. Les infirmières idem. Vous voilà entre leurs mains et vous voilà rassurés. Pose d’un nouveau stent, on cause avec le docteur aux manettes. L’ancien stent bouché est débouché, et c’est dessus qu’on pose le nouveau, tenez vous bien, braves gens, un stent actif car, je cite : « On a effectivement depuis les années 2000 des stents actifs qui offrent non seulement un support mécanique à l’artère mais qui ont également à leur surface un polymère, donc du plastique, qui contient un médicament antiprolifératif. Ce polymère libère le médicament durant une période de plusieurs mois. » C’est pas beau ? Donc, eh bien me voilà re-stenté à neuf de ce côté-là. Déjà je sens que ça va mieux. Si je le voulais je pourrais danser.

J’y retourne dans une dizaine de jour. On s’est rendu compte que ma coronaire gauche, dont on ne parlait pas jusqu’alors et qui se tenait apparemment peinarde dans son coin, était bien mal en point. Ainsi donc : rebelote. Après la droite la gauche. Je bouffe à tous les râteliers.

Bonne journée.