Mardi 11 septembre 2001

El mondo está lamentable (de jardin)

Quoi de neuf dans le monde?

Nada.

Il n’y a même pas de champignons, ou alors un par-ci par-là, et encore pas franchement comestible. C’est lamentable. Par contre il y a eu beaucoup de brimbelles, c’est ainsi qu’on appelle ça ici, et aussi de framboises et aussi de mûres. Mais des champignons, gnon. Je le répète: lamentable.

Et s’il n’y avait que cela de lamentable… Parce qu’en ce moment, je trouve que beaucoup de choses et d’événements le sont. Ou alors c’est moi? Ou alors mon humour s’effrite? Tout juste bon à calembourder mollement en ajoutant par exemple « et des moules » après « s’effrite »? Ou alors je ne sais pas. Allez savoir. Mais le fait est. Des gens promettent de m’écrire et ne le font pas, de m’envoyer des choses, des contrats, des sous, et ne le font pas, de m’appeler et ne le font pas, la météo annonce du beau temps et bing! la flotte. Lamentable. Je cherche sur mon carnet de téléphone le number d’un ami dont le nom commence par la lettre D et je le trouve à la lettre C. Les impôts m’adressent un courrier lamentable qui double mes mensualités jusqu’à la fin de l’année, merci bien, sous prétexte d’imposition sur les revenus, alors que lesdits revenus sont repartis depuis longtemps vu qu’ils n’étaient pas revenus depuis plus longtemps encore. J’ai ramassé une tendinite au coude parce que j’ai trop vissé. Du coup, j’ai dévissé pendant un certain temps, rien n’y a fait, sinon que ça s’est aggravé. Je dois faire un saut à l’hosto fin septembre pour une coro de contrôle, ce qui va bien entendu perturber total mon rythme d’écriture pour au moins une semaine. Je regarde l’heure à ma montre, putain, déjà! La-men-ta-ble.

La télé. Aussi. Parce que je suis un regardeur de télé, c’est selon mais ça m’arrive, c’est comme des rituels, des habitudes que je me prends, parfois. Par exemple l’année dernière je regardais le matin le midi et le soir. Matin et midi: Canal plouche (comme dit un copain portuguais) et en soirée RDRG sur Paris Première (comme il dit aussi). Canal plouche le matin, à partir de 7h15 , et pendant quasi une heure si je ne m’abuse, merci docteur, animé par Devoise, le type au crâne rasé, c’était parfait, gai, enlevé, varié, avec les filles du sport et de la culture et des infos, génial ça vous mettait en forme pour la journée, ou quasiment, bref, moi j’aimais bien. Après ça hop j’allais faire un tour en forêt, et c’était parti, je pouvais affronter l’adversité quotidienne. Bon. Maintenant, Canal plouche le matin qu’est-ce? Rien, ou alors des redifs du jeu de la veille au soir, ou alors je ne sais pas, je n’ai regardé que deux ou trois fois, mais en tous cas c’est plus ma bande de potes d’avant.

Ensuite: Canal plouche midi. L’année dernière, c’était Gildas et Anne de Pétrini (oups, je me demande si je n’ai pas écorché l’orthographe de son nom…) qui est bien jolie et qui avait une façon de ponctuer son discours par de brèves apnées fortement sympathiques, je trouve. Et puis aussi Gaccio, et puis aussi les rubriqueurs et queuses qui passaient par-là, q’on avait déjà vu certaines fois le matin, le type qui parlait cuisine, Colombe qui goulûment goûtait tous les plats qui se présentaient, etc. C’était charmant. Avec des sujets, des invités, souvent intéressants. Vivants. Sympa. J’étais ravi, en ce temps-là… Aujourd’hui… seigneur! Gildas encore, mais là n’est pas le drame. Qu’est-ce qu’il fiche là, le pôvre? Parce que voilà: des téléspectateurs appellent au téléphone et soumettent un problème insoluble qui les tracasse grave — bonjour j’ai un enfant de onze ans qui refuse de dormir ailleurs que dans la niche du chien et ça me tracasse grave — et du coup un panel de communs des mortels invités sur le plateau solutionne, conseille, drivés par Gildas et une sorte de dame médecin psy spécialiste de misère humaine, à la rescousse, nous donnons la parole au panel —mais c’est pas grave, moi je m’appelle Michel et je pense qu’il faut provoquer une cassure ferme et par exemple tuer le chien.

Il faut le voir pour s’ébaubir. Télé degré zéro, même TF1 n’aurait pas osé ça. (Un pote me dit: « Canal + a été la petite chaîne qui monte? Maintenant c’est la grosse qui descend. ») La sinistrose absolue, là-dessus et à cette heure si tu as encore faim, bravo. On est très loin de Colombe gourmande.

Quant à la soirée, aïe. Canal plouche a maintenant une speakrine. Il fallait y penser. Par je ne sais quel torsion du destin qui s’y connaît en tours de con, il se pourrait que la vieille dame tombe un jour sur ces lignes, ou qu’on les lui rapporte, et c’est tout simplement la raison pour laquelle je vous parlerai maintenant de RDRG, l’émission de T.A. sur Paris Première.

L’année dernière, je regardais quotidiennement. Ou presque. On ne devrait jamais faire ça. Ou alors ne pas regarder « complètement », mais juste comme en principe on regarde la télé, c’est à dire du coin de l’œil, en faisant autre chose, depuis la pièce d’à côté, en passant par-là. Sinon ça use. Sinon ça gonfle. Ou bien c’est moi (voir plus haut). Mais quand même Begbeider en surdose quotidienne… ainsi qu’en même posologie le bavardage péremptoire et hautain de Tesson, plus les circonvolutions élégamment définitives de la Quin Zabette, plus les bafouillages du Carmouze aux cheveux d’argent… eh bien ça fait lourdingue, à force, aérophagie de la tronche. D’autant que tous quand même, se sont installés confortables dans leur rôles de porte-paroles de la culture et ne se prennent pas, à l’image comme au son, pour, aurait dit mon papa, la moitié d’une merde. Fatigue donc, un poquito. Mais on se dit: ça va se calmer, il y a eu les vacances, etc. On se dit qu’on peut toujours zapper sur le vieux quand vient son tour, on est quand même pas un esclave, d’autant que maintenant sur Canal plouche c’est le Quiz Burger et qu’on a une chance d’échapper à l’autre lamentable quatrième âge de service. Bon. On se dit tout ça pour des nèfles: ça redémarre, la rentrée donc. Ils sont toujours là, plus royalement en forme que jamais. Et voilà même qu’ils invitent des philosophes (parait-il) en renfort venus nous pomper pompeusement avec « l’affaire Houellebeck », adaptée comme il fallait s’y attendre en mauvais remake Rushdie, et décrétée affaire du siècle.

Nous avons décidément les événements et scandales littéraires que nous méritons. A la hauteur de nos vues et à la longueur de nos nez.

Ou bien c’est moi?

Monsieur RDRG (qui n’est pas le matricule d’un robot dans la Guerre des Étoiles), dites-leur de se vidanger le chief un coup, de se boucher les oreilles quand ils parlent, et mutez l’arrogant vieillard dans les coulisses des émissions consacrées aux défilés de mode, backstage comme dit l’autre, par exemple. S’il vous plait.

Monsieur Canal Plouche, rendez-moi Colombe et Anne et Alexandre et le monsieur qui nous parlait des petits déj dans les palaces et des vertus de la courgette en salade et Églantine aussi (mais non pas Églantine en salade: rendez-nous Églantine, aussi!) Merci Monsieur Canal Plouche.

Enfin, voilà.

OOO

Sinon il fait beau en Bretagne, je viens de téléphoner à un ami en vacances là-bas pour lui emprunter sa scie circulaire, et il mange du poisson tous les jours, il a l’air content, il va cueillir des zouitres (comme dit un ami bruxellois) sauvages tous les jours, ça lui fait un bien fou. Rien à foutre de l’affaire du siècle, lui. Comme quoi, au niveau individuel, tout n’est pas perdu.

Personne n’a une scie circulaire à me prêter?

OOO

Et puis je vais à la Fête de l’Huma, ce week end. Ce qui est bien et me réjouit, mais d’un autre côté ça me bouffe trois jours.

Jamais content.C’est alors que j’apprends, comme le monde entier, l’attentat aux avions détournés qui vient de frapper New York et Washington.

Hasta luego.