LE CARAVAGE

Poing à la ligne

Le caravage  Manara

Le 29 septembre 1571, arrive au monde, à Milan, un petit d’Homme à qui sera donné le nom de Michelangelo. Beaucoup d’autres comme lui ce jour-là pousseront leur premier cri de vie et de douleur. Chacun d’entre tous sera ce qu’il sera dans les temps qui suivront, et plus ou moins particulièrement. Cette particularité de Michelangelo portera triomphalement le sens profond de toute sa spécificité, son essentielle unicité glorieusement éclose.

Comme jamais, comme personne au monde avant lui, il sera peintre. Michelangelo Merisi de Caravaggio.  Caravage. Le Caravage.

Un jour d’été 1592, il arrive au barrage du pont Salario à quelques milles de Rome, dans la charrette d’un marchand de légumes. En même temps qu’un char attelé de superbes chevaux et transportant deux superbes créatures  – des « dévergoigneuses »  comme il le dit. Altercation entre les gardes du pont, le conducteur du char, bagarre avec Michelangelo… Tout est en place, d’ores et déjà. La violence, les jolies femmes, le fait qu’il ne faut pas, tout puissant que l’on soit ou que l’on imagine l’être, marcher sur les pieds du jeune peintre. Peintre il le sera toute sa vie, et comment ! Bousculant les courants de la peinture trempée au médium de l’académisme religieux d’alors ( et qui prenait racines aux sombres prémisses des très anciens savoir-faire ), Caravage, sous couvert de ces déguisements, et surtout dans leurs habits du jour et du moment, peint des gens. Des gens de ceux qui l’entourent et au milieu desquels il vit. Parmi lesquels il vit. S’il se soumet parfois à la peinture ecclésiastique ou assimilée, c’est en faisant poser une putain qui donnera son corps et son sourire et sa grâce à la Vierge. Ses modèles sont là. Des enfants de ses compagnons de débauche, les compagnons eux-mêmes, les femmes qui hantent les ruelles sombres des villes qui sont les villes d’un autre monde. Les lieux que la lumière pénètre à reculons, avec prudence, suspicion, circonspection, avant de finalement se laisser apprivoiser à jamais, à toujours, avec une douceur de tendresse acquise pour toujours. Caravage est le peintre de la lumière apaisée, familiarisée, en clairs obscurs définitivement complices.

Dés le début des années 16O0, il est célèbre, travaillant pour des protecteurs éduqués. Hommes de hauts rangs, collectionneurs nantis. Il travaille et il vit. Et sa vie s’articule entre rebonds et glissades qui ne se contentent pas pour leur évolution des sentiers et chemins battus. Les démêlés avec les justices des Etats pontificaux se succèdent, pour l’honneur d’une dame, sans doute, il se bat en duel et tue son adversaire. Il s’enfuit. S’exile. Naples, Malte, la Sicile. Il se bat et il peint. Des chefs d’œuvre.

Un jour d’octobre 1609 une bataille ultime, une de plus, le laisse pour mort. Mais il survit et peint encore. Jusqu’à ce voyage de retour d’exil (1610) sur une felouque où ses compagnons de voyage l’assassinent alors qu’il n’a même pas de quoi payer son voyage. C’est une version de sa mort. Il y en a plusieurs, qui disent le dernier souffle de l’artiste- canaille. On pense à cet autre vaurien que fut François Villon…

C’est cette vie de fulgurances et de douleurs ( au-delà du romantisme qu’on peut toujours lui faire porter ) parfaitement unique et magistrale que raconte Milo Manara. Dans deux albums véhiculant cette narration non seulement par l’écrit mais par l’image aussi. L’image de Manara qui s’applique aux villes gargantuesques de cette Italie morcelée, l’image de Manara qui se fonde aux portraits ( de femmes et combien femmes ! bien entendu ), aux gens  de ce temps. Et c’est très beau. Passionnant.

Le Caravage – La palette et l’épée

La Caravage – La Grâce

 Milo Manara

Glénat